LE PREMIER JOUR DE L'ETE

  Avec Stéphane Bérard, Adriano Cicero, Julie Dalmon, Véronique Ellena, Irzouts, Claude Lévêque, Myriam Mechita, Tami Notsani, France Valliccioni

  Interventions de Chloé Silbano et Eric Madeleine

  Après huit années d’existence indépendante et fructueuse, cette dernière exposition aux salaisons s’oriente vers le solstice d’été, le culte du soleil et de la lumière.
Cette fête populaire et païenne impliquait dans l’Antiquité des sacrifices d’animaux et plus loin encore, des sacrifices humains, mais désormais des feux de municipalité suffiront,
tant les élus locaux furent en dessous de tout.
La fête populaire de la fin du solstice d’hiver fut récupérée par l’église catholique et associée à la figure du cousin de Jésus : Jean-Baptiste, le fils de Madeleine, la sœur de Marie (pour les non initiés).
Saint Jean-Baptiste termina sa carrière de prophète comme martyr lorsque le roi de Judée lui fit couper la tête et qu’elle fut amenée sur un plateau pour la jeune et sensuelle danseuse,
Salomé, sa belle fille… Ainsi la mort de l’un s’offrait pour l’amour de l’autre dans une séduction incestueuse.
Le 21 juin 2015 sera le dernier jour de l’exposition, le dernier jour des salaisons et le premier jour de l’été, un jour de moissons pour les paysans.

Ce projet est une pensée forte vers les pratiques et les fêtes populaires qui peuvent aussi mal tourner, c’est d’ailleurs là leur plus grand charme : l’imprévu.
Un terme absolument inconnu des classes favorisées, c’est là leur drame. A l’instar des expositions passées aux salaisons, des artistes très différents dans leurs pratiques sont réunis ;
l’hétérogénéité semble constitutive de paradoxes et de rencontres improbables ; c’est la force de l’art et du monde contemporain.

    Stéphane Bérard projette un film : « Bohémienne d’investissement », un road movie sur une jeune artiste qui rentre tête baissée dans le monde civilisé, mais pas toujours philanthropique.
C’est une œuvre où tout l’intérêt du cinéma se retrouve ; notamment par l’impossibilité pour le regardeur de prévoir la séquence suivante, ce n’est pas rien.

    Adriano Cicero est un peintre qui travaille et vit à Romainville, ce qui en soit n’a absolument aucune importance. C’est un artiste qui crée des images,
ce n’est pas une peinture qui reflète la surface des choses, mais plutôt la profondeur, l’intériorité, la captation d’éléments divers crée une synthèse picturale, une nouvelle image.
C’est aussi ce qu’on demande parfois à l’art : nous donner à réfléchir sur des images composites.

    Julie Dalmon extrait de la matière sa vie intrinsèque. Dans l’exposition, une œuvre sombre: « N° 14 », la chaise bistro typique s’élève au-dessus du réel,
le mirador de l’alcoolique tutoie l’enfer au milieu de bris de verre, la communication est impossible. En contrepoint,   la lumière paradoxale de « l’ombre du doute ».
A l’instar du film de Michelangelo Antonioni, « L’Eclipse », ses soleils aveuglent comme l’amour, c’est une pièce oxymore qui évoque la complexité des sentiments,
la difficulté de ne pas voir l’ombre du temps derrière ce qui brille.

  Véronique Ellena est une photographe engagée. Il est aisé, et parfois condescendant, de photographier la déchéance, la souffrance, la pauvreté du monde,
mais la photographie révèle plus la position sociale et éthique du photographe que ce qu’il photographie. Véronique Ellena voit la grande beauté des petites gens,
la simplicité des actes de tous les jours, les rituels. Dans ses photographies le quotidien est exceptionnel, lumineux et si c’est ainsi qu’elle le voit, nous le voyons aussi. 

  Irzouts (Yann Bernard) ne fait pas partie de l’espace balisé de l’art contemporain, il est à côté, ce qui en fait un véritable indépendant. Il fabrique des vélos roulants, uniques en leurs genres,
avec des pièces de récupération, des bouts de vélos mis au rebut. En ce sens, il est l’équivalent réaliste de jeunes artistes qui repensent la modernité en récupérant des objets,
en redonnant une fonction poétique au matériel utilitaire.

  Claude Lévêque n’est pas à présenter, il expose dans les plus grands musées, peut-être un artiste dans la lignée de Rembrandt tant sa lumière se révèle sur un fond sombre.
Claude Lévêque est un artiste conscient, engagé. Etre un artiste engagé ne signifie peut-être pas exhiber la pauvreté dans la Fondation Pinault,
mais se donner le luxe de participer à des projets non commerciaux dans des lieux improbables, en somme ne pas être un artiste obnubilé par sa propre image.

  Myriam Mechita semble une artiste bouleversée, à l’instar de la grande chanteuse de variété, Dalida, elle évoque l’angoisse dans des couleurs qui flamboient, la tristesse sous le soleil,
la violence dans l’amour. Comme la sensuelle Salomé exige la tête de saint Jean Baptiste, Myriam Mechita travaille la cruelle mythologie, toute histoire d’amour digne de ce nom se doit de rejoindre le mythe.
Myriam Mechita crée des espaces de réflexions poétiques, car c’est bien dans la violence d’une rencontre entre deux éléments hétérogènes que nait la véritable poésie, peut-être même le véritable amour.

  Tami Notsani a les yeux grands ouverts sur le monde, les pays, les personnes plus ou moins proche qu’elle fréquente. Elle part toujours de l’observation précise, minutieuse,
à la manière d’un chercheur, afin de mettre en avant certains points de détail que l’on n’avait pas remarqué, mais qui s’avèrent significatifs, essentiels à la compréhension des événements et de l’œuvre.
Cela donne à ses travaux cette impression de révélation, de mise en lumière constante de ce qui n’est pas dit ou montré.

  France Valliccioni réalise un travail d'installation, souvent in situ et qui met en jeu aussi bien des matériaux bruts, de seconde main que des pièces manufacturées.
France Valliccioni jongle avec les mots comme les matériaux, avec un léger décalage, elle produit des compositions inattendues et drôles, un rythme poétique soutenu,
des dispositifs qui au travers de variables d'ajustement, reproduisent les symptômes d'ambitions artistiques.

Comme c’est la der des der, on vous attend nombreux pour fêter le début de la fin du lieu lors du vernissage.

Laurent Quénéhen, commissaire de l’exposition.

     
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Les salaisons 25 avenue du Président Wilson, Romainville
Métro Mairie des Lilas et 10 mn de marche ou bus 105, arrêt Liberté

Ouvert les samedis et dimanches de 15h30 à 20h (horaires d’été)
Et sur rendez-vous : SOS salaisons 24h/24h - 06 65 06 88 87

Entrée libre